Le pétrole (Crude WTI) est passé de $100 à $30 sur la période de juillet 2014 à février 2016. Son cours a été divisé par 3 en un an et demi seulement. Depuis son point bas de février, il est remonté à un prix proche de $50 et la volatilité est revenue à ses niveaux habituels. Une des raisons d’une telle baisse est l’émergence du pétrole de schiste.
Un colloque se tiendra à Paris sur l’Europe face à la révolution du pétrole et du gaz de schiste. Ci-dessous, l’interview de Pierre Bentata, intervenant et coorganisateur de l’évènement, réalisée par Skype et retranscrite par écrit.
Paul:
« Merci Pierre d’avoir accepté de faire cette interview pour nous parler de cet évènement qui aura lieu le 20 septembre de 14h à 19h à l’Université Panthéon-Assas à Paris. Pouvez-vous s’il vous plaît commencer par vous présenter ainsi que le Cercle de Belém qui organise ce colloque ?«
Pierre:
« Je suis professeur d’économie à l’école de commerce ESC Troyes et directeur du cabinet d’analyse économique quantitative RIZEN CONSEIL qui est une filiale d’Asterès, le cabinet de Nicolas Bouzou. De nos échanges, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait très peu de débats au niveau européen et qu’il était très difficile, même pour nous en tant qu’économistes, de savoir ce que pensent les économistes d’autres pays sur des problématiques qui touchent l’Europe. Nous avons donc décidé de créer le Cercle de Belém dont l’objectif est de rassembler un maximum d’intellectuels et économistes européens pour essayer de promouvoir des débats qui nous semblent insolubles au niveau national mais qui doivent normalement intervenir au niveau européen. Et bien qu’il y ait des divergences entre les membres, nous essayons de faire porter une voix qui est pro-européenne et notre l’objectif est de montrer comment on raisonne, promouvoir des débats et voir comment apporter des décisions de consensus plutôt que de s’enfermer dans des décisions nationales.«
Paul:
« Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les membres du Cercle et les évènements passés ou à venir ? »
Pierre:
« Il y a un professeur Italien, Stefano Adamo. Un professeur Tchèque, Josef Montag. Une économiste de la santé Néerlandaise, Eline Van Den Broek-Altenburg. Un philosophe Grec, Demosthenes Davvetas et un économiste Anglais, Daniel Mahoney. Pour la petite histoire, ce dernier est d’ailleurs pro-Brexit, une grosse différence avec nous mais c’est bien d’avoir des opinions très différentes.
On avait fait une conférence au Sénat l’année dernière sur l’Etat providence. Cette année , nous allons investir de nouveaux champs. Le premier va porter sur les énergies non conventionnelles, le second portera sur le prix des médicaments innovants et un troisième devrait se tenir l’année prochaine sur la métropolisation de l’économie.«
Paul:
« Ils vont tous intervenir durant le colloque du 20 septembre ? »
Pierre:
« Oui, c’est l’objectif. Tous les membres du Cercle vont traiter leurs spécialités. Il y a des économistes, des historiens, des philosophes qui viennent avec leurs spécificités nationales et à chaque fois, combiner ça avec des entrepreneurs et des politiques qui ont travaillé sur le sujet.«
Paul:
« Le colloque de Paris se focalisera donc sur le pétrole et le gaz de schiste ? »
Pierre:
« C’est ça, sur l’exploitation du schiste, mais aussi, plus globalement ce sera sur les énergies non conventionnelles. On travaille avec le CHNC (Centre Hydrocarbures Non Conventionnels) et l’idée est de ne pas faire la promotion ou de diaboliser, mais d’essayer de comprendre en quoi cela peut être une alternative. Expliquer aussi pourquoi l’Europe, et principalement la France, ont autant freiné là-dessus. Et est-ce que cela peut être une alternative à la crise énergétique qu’on risque de connaître.«
Paul:
« Crise énergétique, épuisement des ressources, on entend ça depuis longtemps, mais on voit bien qu’avec le schiste, il n’y a plus de risque de pénurie.«
Pierre:
« Oui exactement, c’est une position que l’on tenait depuis longtemps. On a déjà publié des articles sur le sujet. C’est quelque chose qu’historiquement on a toujours vu. On a connu la même chose avec le charbon par exemple. Globalement notre inquiétude n’est pas du tout là. Justement on tient à essayer de rassurer le public en leur disant de ne pas s’inquiéter sur les problèmes de stocks d’énergies et de ressources. Ce n’est pas vraiment le problème. En revanche le problème c’est, est-ce qu’on n’est pas en train de rater une opportunité en refusant toutes les innovations quelles qu’elles soient, par peur évidemment des effets secondaires qu’elles peuvent avoir au départ, et de se retrouver dans une situation ou les autres pays arrivent à innover et à trouver de nouvelles méthodes pendant que nous on stagne avec nos anciennes méthodes.
Avec des spécialistes du secteur, nous allons essayer de comprendre quels sont les enjeux et les risques, parce qu’on a vu que même aux Etats-Unis ça fait beaucoup parler. On voit des images vraiment catastrophiques. Mais est-ce que c’est représentatif de la réalité ?
Et puis, quels sont les enjeux qui sont derrière, même au niveau géopolitique. On voit les Américains qui arrivent à reprendre une marge de manœuvre sur le pétrole et sur l’énergie parce qu’ils ont exploité le schiste. D’un autre côté, qu’est-ce qu’il va se passer avec le Moyen-Orient si on arrive à exploiter du schiste en Europe, par exemple.
Voilà, c’est sur ce genre de questions de fond que l’on aimerait avancer et rassurer la population en voyant qu’est-ce qu’il se passe vraiment. Car ce sont des problématiques très techniques. Les médias nous montrent une explosion ou nous disent qu’il y a un danger sans nous expliquer comment ça marche. C’est donc très compliqué de se faire une opinion. Notre idée c’est d’amener des débats, des explications et de proposer des réponses européennes.«
Paul:
« Les énergies de schiste, sont des énergies fossiles et polluantes. Ne devrait-on pas chercher d’autres alternatives comme les énergies renouvelables ?«
Pierre:
« On est entièrement d’accord. A terme, il va falloir des énergies qui soient renouvelables. Mais on est déjà dans une optique d’interdire avant même de savoir si on a ce genre d’énergie chez nous. On n’essaie même pas de vérifier. On pourrait au moins avoir des premiers projets qui tentent d’évaluer les quantités ou étudier si c’est rentable.
Est-ce que l’Europe (principalement la France) n’est pas en train de rater une opportunité en refusant d’emblée, en freinant des deux pieds sur quelque chose qui, finalement, est peut-être maîtrisable ?«
Paul:
« Pendant vos conférences, vous allez donc apporter des détails techniques et des réponses chiffrées ? »
Pierre:
« Exactement. Cela va être le rôle des entrepreneurs ou des membres des fédérations comme le CHNC qui vont venir nous apporter des chiffres, nous dire vraiment quels sont les enjeux et les dangers. Et puis les membres du Cercle de Belém qui vont essayer de faire un peu de prospective sur différents domaines. Des impacts géopolitiques que cela peut avoir, des impacts en matière d’innovation et essayer de chiffre tout ça en remettant en perspective avec ce qu’on a eu dans les différentes exploitations passées de nouvelles énergies.«
Paul:
« Comment mes lecteurs peuvent-ils vous suivre et connaître vos dernières actualités ? »
Pierre:
« Vous pouvez retrouver toutes nos actualités sur le compte twitter du Cercle de Belem et sur une page dédiée sur le site d’Asterès. »
Paul:
« Merci Pierre pour toutes ces informations. Je rappelle que l’inscription au colloque est gratuite et qu’il suffit d’envoyer un email à ijacquet@asteres.fr pour s’inscrire.«
Pour compléter cette interview, je vous invite également chers lecteurs, à lire cette infographie sur le pétrole que j’ai trouvé instructive.